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mardi 26 janvier 2016

Comment créer de la richesse dans les villages ?



Le maïs, l'un des éléments de base de l'alimentation togolaise

Lorsque nous avons commencé notre activité à Nagou, l'une de nos préoccupations était d'assurer la pérennité de nos actions. Quand coup de pousse partira, que se passera-t-il ? Comment gérer le long terme ?
Nous avons alors réalisé qu'il fallait absolument créer de la richesse, facteur essentiel à  la pérennité des projets

Vérification des comptes de l'opération engrais par Patrick

 

Création de richesses

Comment développer des activités génératrices de revenus (AGR) dans un village qui n'a rien ?


Ils n'ont rien ? Ce n'est pas tout à fait exact : ce sont des agriculteurs qui possèdent des terres et la cultivent depuis des générations. Ils n'ont pas d'argent mais produisent du maïs. Il faut juste les aider à mieux faire ce qu'ils savent faire, c'est à dire exploiter leurs terres, de manière à augmenter leur richesse. 
Les agriculteurs n'ont pas les moyens de s’acheter l’engrais nécessaire à leur exploitation. Ils ne peuvent pas non plus le vendre au meilleur prix car ils n'ont pas les moyens financiers pour stocker leur récolte. Il faut savoir en effet que le cours du maïs passe du simple au double entre septembre (période de récolte) et juin (saison sèche). 


En attendant la construction d'un magasin de stockage, le maïs est entreposé dans une classe

L'opération troc engrais/maïs : le mécanisme

 l'idée est d'accorder un crédit à l'agriculteur sous forme d’engrais. Nous lui prêtons un sac d'engrais et, à la récolte, il nous rend un sac de maïs avec un léger intérêt, soit 10 bols (unité de mesure là-bas)
Une petite partie sert à alimenter en maïs la cantine de Nagou pour toute l'année. La plus grande partie est stockée par coup de pousse. Nous le revendons au meilleur cours possible et le bénéfice dégagé est réinvesti dans le village pour la communauté. Nous pouvons donc racheter de l'engrais pour l'année suivante
Cela demande à coup de pousse de la trésorerie mais aussi une certaine gestion afin de tenir à jour la comptabilité de l'opération. Jusqu'ici c'était Didier, notre infatigable contact du RCD* qui le faisait mais le relais va être pris par le nouveau directeur de l'école.

     

    Les enfants apportent le maïs dû par leurs parents

    En septembre dernier, les trois autres villages de Boré, Lokpergou et Djapak ont demandé leur cantine ainsi que de participer à l'opération engrais/maïs. Lors de notre dernier voyage, le chef de Djapak, que nous n'avions pas encore eu le temps de rencontrer, nous attendait au bord de la route avant de quitter le plateau. Il voulait être sûr de nous voir et nous a réitéré la volonté de son village à participer.
    Nous allons lancer le projet : 300 sacs d'engrais vont être prêtés aux trois autres villages.


    Pendant que se tenait la réunion sur le maïs, dans une classe avoisinante,  j'ai trouvé cet enfant, seul, en train d'étudier dans une classe. C'est peut-être lui l'avenir de son village ?  Quelle fierté alors pour coup de pousse d'y avoir contribué !

    Bilan des  années 2014/2015 et 2015/2016


    Si nous faisons un bilan de l'opération engrais 2014/2015 et de cette année, le bilan est positif. En 2015 nous avons eu des problèmes d'engrais livré tardivement et de récoltes médiocres mais l'opération est bien en place et nous encourage fortement à continuer. Les problèmes de livraison d'engrais ont été réglés. Concernant les variations de climat, il nous faudra un petit délai !
    Les habitants de Nagou financent en 2015/2016 à 30% l'alimentation de la cantine et ce pourcentage va progresser vers la totalité des besoins de la cantine dans les prochaines années.

    Conclusion

    Cette opération engrais/maïs est un très gros succès et nous en sommes très fiers. Elle va bientôt être étendue à tout le plateau et augmenter ainsi les revenus des habitants ce qui était bien notre but.
    Voir la cantine fonctionner, même si elle n'est pas encore totalement autonome, est aussi une satisfaction immense.

    Nous avons amélioré les conditions de vie de ces villageois. Pour autant, nous ne voulons pas reproduire les erreurs du passé et sommes très sensibles au problème de la dégradation des sols et d'un usage abusif des engrais.
    coup de pousse a déjà des opérations sont en cours à ce sujet.  Nous vous en parlerons prochainement. Rome ne s'est pas construite en un jour mais pierre par pierre. Et en attendant nous nous réjouissons de voir le sourire de ces enfants qui vont à l'école et qui mangent à leur faim.





    *RCD :Rotary Club de Dapaong

    dimanche 17 janvier 2016

    Ma rencontre avec les dames de la cantine...

     Avant-propos

    Patrick et moi ainsi que tous ceux qui nous ont accompagné dans nos voyages au Togo avons été particulièrement touchés lorsque nous avons appris les derniers attentats à Ouagadougou. Nous atterrissons en effet au Burkina avant de nous rendre en voiture dans la Région des Savanes. Nous avons déjà dormi à l'hôtel Splendid et le café Cappuccino est l'un de nos rendez-vous favoris avant de rentrer en France. Cette horreur a rattrapé le Burkina-Faso alors qu'il avait géré de façon exemplaire les troubles de fin d'année et les élections présidentielles, montrant ainsi que le pays était en bonne voie pour devenir une vraie démocratie.
    Cette violence peut frapper partout et à tout moment et nos voyages n'en deviennent pas pour autant plus dangereux. Nous continuerons donc comme par le passé notre action. 


    La cantine de Nagou


    Le chaudron et sa gigantesque spatule en bois sur le foyer trois pierres traditionnel de l’Afrique de l'Ouest

    Dans un billet du 17 décembre 2014, nous vous parlions de la création de la cantine de Nagou. Pour mémoire, les bâtiments ont été construits au printemps 2014 et la cantine était opérationnelle à la rentrée de septembre. L'année scolaire 2015-2016 est donc sa deuxième année de fonctionnement. Et ... c'est un succès : à la rentrée dernière, les trois autres villages nous en ont demandé une pour leur école.

    Une des mamans prend de l'eau chaude pour préparer la sauce. Le foyer utilisé cette fois-ci est une sorte de foyer amélioré qui a une rentabilité supérieure au traditionnel foyer trois pierres

    Pourquoi une cantine ?

    Le réponse parait évidente mais la création d'une cantine est vertueuse à plusieurs titres :
    • elle lutte contre la malnutrition,
    • elle permet de donner des rudiments d'hygiène aux enfants,
    • elle aide à lutter contre l'absentéisme scolaire : certaines que leur enfant bénéficiera d'un repas, les mamans l'envoient à l'école et celui-ci y reste donc l'après-midi,
    • elle donne un statut aux femmes du village qui forment les brigades de travail,
    • elle introduit la notion de collectivité et mobilise le village autour d'un principe.

    Préparation de la « pâte » avec les femmes, un moment de partage malgré la barrière de la langue. La pâte est une bouillie très épaisse. Le problème est que la quantité à cuire est énorme !

    Lors de notre dernier voyage, il y une dizaine de jours, j'ai participé à la préparation du repas avec les femmes. Je voulais partager leur quotidien afin mieux comprendre leurs difficultés. Pas très facile de communiquer car mon Moba, dialecte local,  est rudimentaire. Avec des gestes, nous nous en sommes sorties et mes talents culinaires ont fait le reste. Mais au bout du compte, ce sont mes biceps qui n'ont pas été à la hauteur !

    La pâte devient de plus en plus épaisse, de plus en plus lourde à tourner. Je rends mon tablier, épuisée. les femmes se moquent gentiment de moi

    Le fonctionnement de la cantine 

    Les mamans se sont organisées en brigade de 32 femmes travaillant par équipe de 8. Il leur faut sortir 300 repas pour les enfants. Et bien sûr elles partent de la matière brute, rien de préparé d'avance, pas de surgelés ou de préparations à moitié cuisinées. Or ces femmes le matin doivent déjà s'occuper de leurs enfants, aller chercher l'eau pour les besoins de la famille, collecter le bois pour le feu... Lorsque ces premières tâches sont terminées, elles viennent faire leur travail pour la cantine. Préparer les repas des enfants est réellement une tâche supplémentaire très fatigante. Précisons que ce travail pour la collectivité n'est pas rémunéré.


    On remplit les assiettes et on les met à refroidir

    Exemple de menu pour la semaine 

    Lundi : pâte de maïs + sauce de saison (gombo, épinard)
    Mardi : riz + sauce tomate ou sauce arachide
    Jeudi : haricots en grain + gari (semoule de manioc)
    Vendredi : pâte + sauce de saison

    Les rations des assiettes sont démoulées, mises dans des bassines, apportées dans les classes et redistribuées dans les assiettes avec la sauce du jour.

    La cantine n'utilise pas de nourriture importée et les quantités utilisées sont mesurées de façon très précises. En théorie il est donc facile de gérer les stocks. En pratique il faut quelqu'un qui sache compter et se projeter dans l'avenir. La cantine étant sous la responsabilité de l'école, le directeur de celui-ci a accepté de la superviser.


    Distribution des repas aux enfants : la maternelle

     

     

    Réunion avec les dames de la cantine

     Les femmes font un travail difficile et fatigant et pourtant, lors de la réunion que j’aurai par la suite avec elles, pas une ne se plaindra de la pénibilité de ce travail. Non, elles me diront juste que la queue est bien longue au forage pour aller chercher les litres et les litres d'eau que nécessite la cuisine. 

     Ce sera l'occasion d’introduire la notion de collectivité. En effet les femmes, travaillant pour les enfants de la communauté, doivent être prioritaires pour puiser de l'eau. C'est au directeur de l'école de faire passer cette notion. Je me contente de leur suggérer mais on en parlera au directeur.
    Ah ! oui, elles me diront aussi que ce travail est salissant. Le savon coûte cher alors nous allons essayer de leur fournir des blouses. En plus du côté pratique du vêtement, le port de la blouse participera à la reconnaissance du rôle de ces femmes en leur donnant un « statut » social dans le village.


    Ci-contre, Martine Sinanja, notre contact au Rotary club de Dapaong, est là pour m'aider à mener la réunion et faire l'interprète. Martine est d'une grande aide pour tout ce qui concerne l'éducation et la condition féminine en général. C'est elle qui a créé les collège et lycée privés de Dapaong qui a maintenant plus de 700 élèves. C'est une femme de tête et une femme de cœur pour laquelle j'ai beaucoup de respect et d'admiration.



     

    Le financement de la cantine de Nagou

    Mais qui finance et comment faire que cette cantine devienne pérenne ? Les expériences passées ont montré que lorsque les ONG partent, les cantines disparaissent. Comment faire alors pour que notre cantine perdure et comment l'autofinancer ? 
    On vous en parle dans le prochain billet. On verra comment un village qui n'a rien, avec un judicieux coup de pousse, peut réussir à fiancer son propre développement.



    Pour en savoir plus

    Visitez le site de coup de pousse, www.cdpousse.org et suivez nos actus en vous inscrivant au flux des billets (en haut à droite du blog), écrivez-nous à florence@cdpousse.org et pour faire un don, cliquez ici