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mardi 25 février 2014

Collaboration, sensibilisation et pacte avec les villageois

Le temps s'accélère et passe vite. Alors que nous n'avons pas eu le temps de tout vous dire, Patrick et Aline sont déjà repartis vers Nagou pour un autre séjour au Togo. Entre ces deux voyages, les échanges ont été nombreux entre nos contacts du Rotary Club de Dapaong (RCD) et la France. Rappelez-vous : nous avons trois contacts appartenant aux RCD qui nous aident à gérer les projets. 

Nos contacts du RCD
Il y a Anani que nous vous avons déjà présenté. Il est vétérinaire et originaire de Nagou et c'est un bloc d'énergie. 

Didier lors d'une soirée coin du feu du RCD

Ensuite vient Didier. Didier a un hôtel et un restaurant à Dapaong mais c'est surtout un entrepreneur ce qui sera très précieux lors des constructions et de la surveillance des travaux. Sans concession, Didier ne nous laissera pas dévier du droit chemin et ne se gênera pas pour nous dire notre fait. C'est lui qui a attiré notre attention sur la malnutrition et le fait qu'il fallait faire un système de cantine. Un jour en réunion, il a lancé à Patrick que c'était un dictateur et, comme lui-même est un fils de roi et donc un prince (il reste une centaine de rois au Togo), cela a donné lieu à des boutades sans fin. D'un charme indéniable, Didier a un grand sens de l'humour et ses francs éclats de rire sont contagieux et toujours les bienvenus.
Et puis, notre dernier contact et non des moindres, est Martine. Martine est la directrice du collège de Dapaong. Lorsque celui-ci a ouvert, en 2000, il y avait 37 élèves. En 2014, il y en a 700. Martine, c'est le gant de fer dans une main de velours. Extrêmement occupée par son activité de directrice, nous l’avions peu vu au voyage dernier, car elle était clouée au lit par une crise de palu. Lors de notre unique rencontre, nous avions eu l'impression d'une femme douce et calme mais déterminée et dotée d'un fort charisme. Son rôle sera primordial pour nous aider quant aux problèmes liés à l'école : comment encourager les élèves, les méthodes qui marchent, comment faire de la discrimination positive pour les filles, etc. Et puis pour Aline et moi, avoir une correspondante féminine est un fort atout pour la compréhension des problèmes spécifiques des femmes.

Collégiens : arrêt sur image.
Nous avons eu l'occasion de voir ces collégiens qui rentraient à l'internat le dimanche soir à Dapaong. Il était tard et nous revenions d'une journée passée à Nagou. Imaginez donc ces jeunes ados, en vélo, faisant des kilomètres le soir dans une nuit presque noire, quasiment sans lumière. Nous, nous devions rouler presque au pas, car la poussière nous enveloppait et la visibilité était presque nulle. 
Poussière rouge, lumière jaune blafarde, des silhouettes qui se distinguent à peine... Ah ! il faut du courage et de la détermination pour s'instruire lorsqu'on est un jeune togolais. Ils méritent bien un coup de main et un coup de pousse !


Construire une cantine pour éviter ceci


Le projet en année 1

Le projet a été présenté samedi dernier aux habitants de Nagou. Nous avons pu communiquer avec Patrick grâce à Skype (le portable peut être addictif mais quel miracle internet !) et il m'a rapporté les évènements. 
Malgré les écrans interposés, j'ai pu sentir que Patrick, même affamé et épuisé, vibrait encore des émotions ressenties là-bas. Ce moment de présentation était crucial car rien ne pourra fonctionner sans l'implication des villageois et leur adhésion totale. C'est ce qui en garantira sa réussite. Lors du voyage de janvier nous avons enregistré les besoins et demandes du village. Patrick, avec toutes les infos rapportées par nos contacts et des données que nous avions déjà, a établi un business plan (oui, c'est de l'anglais, mais il faut appeler les choses par leur nom, et c'est bien un BP que lui et nos contacts ont présenté).

Samedi dernier, Martine, Anani et Didier ont donc expliqué le projet aux villageois, chacun à leur façon, mais tous avec conviction. L'analogie a été faite avec un mariage, un mariage entre Nagou et coup de pousse. Et dans un mariage, on donne et on reçoit. Ils doivent donc accepter la règle et l'intérêt collectif doit primer. Cette journée de samedi a été un vrai travail de sensibilisation, non seulement au projet mais principalement à l'idée qu'ils vont devoir participer, et le faire de façon financière. Pas d'assistanat. Car il y a un peu d'argent au village : celui des recettes des visites des grottes. Notre rôle est de veiller à ce qu'il rentre comme il faut dans les caisses, afin qu'il serve à la population de Nagou.
Mais comme nous ne pouvons pas tout exposer en même temps, parlons d'abord du projet, nous parlerons finances et des grottes dans le prochain billet.

Apatame près du bâtiment de l'ONG espagnole, actuellement une classe

Le même de plus près, avec sa citerne inutilisée

 
Chantier école :
  • Nous allons réparer le bâtiment construit il y a vingt ans par l'ONG espagnole et nous allons le réparer durablement. Cela fera déjà deux classes, dont la maternelle. 
  • La cantine sera créée. Nous avons vu que c'est une façon de lutter contre la malnutrition. Suivant les avis de Martine, elle ne sera pas au lieu que nous avions prévue, tout près de la maternelle. C'est trop près des classes : impossible de faire écouter des élèves qui ont faim et sentent les odeurs de cuisine. C'est une loi universelle ! 
  • Les vieux apatames seront réparés afin de les utiliser comme lieu de stockage. 
  • Un bloc latines de trois cabines sera construit. En année 2 un autre bloc sera fait afin de supprimer la mixité.
  • L'école construite sous l'égide de l'OCDI (Caritas international) est presque terminée. Cela fera trois classes équipées de tables et bancs.

Bâtiment de l'ONG espagnole, actuellement l'unique école en dur. En ce moment utilisée comme lieu de stockage pour les matériaux de construction de l'école de l'OCDI

Chantier eau :
  • forages : sur les six forages en panne, l'objectif est d'en remettre un en route. Sont-ils en panne car à sec ou parce qu'il manque une rondelle quelque part ?
  • citernes : le village a huit citernes mais aucune n'est utilisable. Ces citernes capturent l'eau qui ruisselle des toits.  Il n'y a plus de gouttières ou elles sont percées. Nous allons les remettre en état. 

Les citernes omniprésentes mais toutes inutilisables car non réparées




















Chantier santé :

Lors de notre dernière visite les femmes nous ont demandé une unité de soins périphériques (USP) principalement pour les accouchements. Mais les problèmes de santé sont à manier avec des pincettes : problème d'hygiène, de conservation des médicaments, de contamination avec les seringues. On peut faire facilement plus de mal que de bien. Nous avons donc expliqué aux villageois que si la santé ne pouvait venir à eux, il fallait qu'ils aillent à la santé. La solution immédiate semble être une moto ambulance. Grâce à Kader (notre chauffeur à notre dernier voyage) nous étions allés voir un négociant en moto à Ouagadougou. Problème : une super moto ambulance existait, mais elle se vendait par container de 23 ! Cette fois-ci, toujours grâce à Kader, Patrick a découvert un modèle qui serait en activité depuis 2007. La moto, sur le système d'un triporteur, est équipée et bâchée et peut conduire les malades à l'hôpital. L'ensemble vaut à peu près 3000€.

Moto-ambulance du Burkina

Cette demande concernant la santé était très forte mais les femmes, lors la réunion en petit comité de samedi dernier, (avec juste les président des comités eau, parents d'élèves, santé...), ont été tout fait convaincues de la solution moto-ambulance. Encore une fois, cela ne sera pas gratuit, nous prévoyons de faire payer les courses. Car il faut penser en effet à l'entretien de la moto, au salaire du mécanicien... Coup de pousse fournira la moto, financera probablement la formation du conducteur-mécanicien mais pas le reste, conformément à nos principes de fonctionnement.

 Patrick et Aline vont bientôt être sur le retour et Skype était capricieux dimanche. Nous attendons donc les dernières nouvelles. En attendant, c'est promis, le prochaine billet est sur les grottes de Nagou et comment ce lieu unique devrait permettre aux petits enfant du village de manger à leur faim !


Cette jolie petite fille est la fille de Djananié, notre traductrice lors du dernier voyage




samedi 15 février 2014

L'école à Nagou


Le CE2... ou peut-être le CM1 ? À moins que ne soit le CP ?


La visite de l’école existante de l'école est vite faite. Celle-ci se compose d'un petit bâtiment de deux pièces (construite par une ONG espagnole il y a vingt ans) à réhabiliter, de quelques apatames et d'un manguier. Un apatame est ce que vous voyez sur la photo ci-dessus : un abri fait de quatre poteaux plantés dans le sol soutenant un toiture de fortune et avec des fagots de branchage autour. Vous comprenez que les enfants sont tout juste à l'abri du soleil, mais ni de la pluie ni du vent. Les petits, sous le manguier qui fait office de maternelle, sont à la merci des morsures de serpents ou des piqures d'insectes ou de scorpion. Il n'y pas assez de tables-banc pour tous et les conditions pour les maîtres comme pour les petits élèves sont très difficiles.


La maternelle à l'ombre du manguier


Il y a 60% analphabètes au Togo. Les parents sont tout à fait conscients de l'importance de l'éducation et eux-mêmes nous ont fait des demandes pour bénéficier d'alphabétisation lors de la réunion du CVD (comité villageois de développement) avec Patrick. Le gouvernement prend en charge autant que faire se peut et a entrepris un vaste plan de formation des maîtres. Nous apprendrons tout cela grâce à Oscar, inspecteur de l'éducation nationale togolaise que nous rencontrons le lendemain. Je ne sais pas exactement la part de chance dans cette entrevue mais Anani, (notre contact Rotary Club, débordant d'énergie) l'a rencontré dans Dapaong et lui a parlé de nous. Oscar avait une heure de libre et il a été une mine de renseignements. On ne peux s'empêcher d'avoir le sentiment qu'ici le temps ne semble pas être tout à fait le même qu'en France. Il ne s'écoule pas de la même façon, il semble ici que les horaires soient plus élastiques, moins rigides. Et aussi, pendant tout le séjour il sera sidérant de voir la disponibilité des divers intervenants et leur forte motivation pour nous aider à mener à bien les projets.


Les fondations de l'école construite par l'OCDI
Les cailloux à gauche sont concassés et portés par les femmes

 Oscar nous explique donc que le gouvernement cherche à remplacer ce qu'on appelle les enseignants volontaires, les EV, de niveau Brevet par des maîtres diplômés de l'École Normale des Instituteurs (ENI). L'idée est de professionnaliser les maîtres en place et de favoriser la formation continue. (plus d'infos ici). Oscar est donc chargé d'administrer l'attribution des aides et des maîtres dans la région de Dapaong. En fait, le discours qui nous est tenu est le suivant : vous construisez l'école et le gouvernement togolais s'occupera des maîtres (de sa nomination et de son salaire). 

 Dans le cas de cette école précise, il a été décidé d'embaucher les hommes du village comme main d’œuvre non qualifiée et ce sont les femmes qui portent les cailloux. Ce pourrait être un travail d'homme mais il est hors de question que les hommes portent sur la tête, c'est culturellement impossible. Si on veut que les hommes portent, il faut leur procurer des brouettes. En tous cas, au regard de ceci, difficile après cela de douter de la motivation des parents.  Par contre, concernant cette école,  pour l'instant l'OCDI n'est mandaté que pour les murs. Les tables-bancs et l’équipement de l'école ne sont pas prévus au budget. Heureusement nous apprendrons par la suite que ce sera pris en charge également. Mais nous savons déjà que ce bâtiment ne suffira pas pour tous les enfants de Nagou.



Il nous reste à voir les grottes, le deuxième site touristique du Nord du Togo. Pour être honnête, je ne m'attend pas à quelque chose de grandiose mais la suite me donnera tort et je devrai ravaler ce scepticisme totalement injustifié !



Et ma maternelle, on me la construit quand ?



mardi 11 février 2014

L'eau, le forage, les puits...



Vers le forage, un chemin pierreux et accidenté



Tout de suite après avoir parlé de la cantine, arrivent les problèmes d'eau. Les femmes nous disent immédiatement qu'elles font la queue plusieurs heures pour remplir leur bidon ou leur bassine. La résolution d'un problème en a engendré un autre. Pour comprendre la situation il faut savoir qu'un forage auquel elles s'approvisionnent a été réalisé en 2011. L'eau a été trouvée à 85 mètres de profondeur et il est tellement productif que c'est un petit miracle. Il n'a pas fallu très longtemps aux mères, tout analphabètes qu'elles soient pour la plupart, pour réaliser que leurs enfants étaient moins malades lorsqu'ils consommaient cette eau-là. Les gastros ont fortement diminué depuis que le forage existe. Filtrée par les roches, c'est de l'eau parfaitement potable qui arrive à la pompe... enfin pour presque tout le monde. Lors de la mise en service, Patrick, plein enthousiasme et de foi dans cette eau pure qui jaillissait des profondeurs de la terre, en a bu un verre... et a été malade pendant quatre jours. !



Arrivée au forage, avec tous les bidons l'un derrière l'autre, selon l'ordre d'arrivée


Il faut assez longtemps pour remplir un bassine mais ce système de pompage garantit que l'eau ne sera pas polluée par les seaux plongeant dans le point d'eau









































Cette bassine doit peser entre 20kg et 25kg et pour être certaine que le trajet soit rentabilisé au maximum, l'une des femmes a ajouté encore le contenu d'une calebasse une fois que la bassine était sur sa tête ! Ce port de tête royal que nous admirons tant chez les africaines est au prix de gros efforts. Il faut beaucoup de force pour porter un poids de 25 kilos sur la tête, ainsi qu'une grande adresse


Mais ce petit miracle a un prix : les embouteillages à la pompe. Un seul forage alimente toute la région de Nagou et les villages environnants, soit 5000 personnes environ. Toutefois, ne vient pas qui veut quand même. Chaque personne ou famille paie une redevance au comité de l'eau pour avoir le droit de l'utiliser. Les villageois ont l’œil, pas de resquilleurs. Nous, nous sommes terrorisés à l'idée que le forage puisse se tarir. Ce serait une catastrophe. Pour combien de temps sera-t-il aussi productif ? Pour l’instant il ne donne pas de signe de faiblesse. Le lendemain nous rencontrerons un employé du service hydraulique. Il nous confirmera que nous avons eu beaucoup de chance avec ce forage et qu'il ne faut pas compter sur un autre miracle. Vu de France nous n'avions pas réalisé l'ampleur du problème. Un seul point d'eau pour 5000 personnes ! Les femmes font donc la queue pendant plusieurs heures.


Habitat traditionnel


Nous décidons de jeter un œil aux autres points d'eau : les forages en panne (en panne parce qu'il n'y a plus d'eau ou parce qu'il manque une pièce ?), les puits à sec... Il y a aussi les énormes citernes qui gardent l'eau qui tombe en abondance à la saison de pluies. Mais cette eau là est impropre à la consommation car elle stagne trop longtemps. Même pour se laver les mains, ce n’est pas conseillé. 


Un puits au centre du village




Nous faisons le tour des puits, presque tous taris. On envisage de les creuser un peu plus profond mais Nagou est sur un plateau rocheux, et souvent si le puits n'est pas creusé plus profond, c'est parce que on a atteint la roche. Creuser un mètre de plus se fait alors à la dynamite et peut donc coûter très cher pour un résultat aléatoire.
Beuuuh! Vous iriez cuisiner avec cette eau-là !?
C'est un choix délicat à faire. Mais aussi, si nous gagnons un mois sur le moment où le puits de vient à sec, c'est toujours un mois de gagné, un mois pendant lequel le forage pourra être désengorgé. Actuellement, l'eau potable de celui-ci sert à tout, même à la construction. En effet le forage est fermé à la population deux heures par jour et est réservé à la construction de l'école. Celle réalisée sous l'égide de l'OCDI/Caritas dont nous parlions précédemment (cf billet Le Rotary Club de Dapaong).















Nous finissons la visite des puits et des forages en passant chez Anani. Anani est vétérinaire et a bénéficié d'une bourse pour ses études.  Mais sa vie n'a pas dû être simple. Il a été berger à un moment pour payer ses études. Il nous montre l'endroit où il faisait pousser des légumes pour vendre au marché. Moi, la citadine qui se rappelle le potager bien rangé de son enfance, ne vois que des cailloux à l'endroit qu'il nous indique.

Anani est un notable maintenant, qui habite Dapaong, mais il n'oublie pas son village. Il veut que notre projet réussisse et que son village ait toutes les chances avec lui pour sortir de la pauvreté. Il fera tout pour cela. On s'aperçoit aussi que c'est un homme très généreux. Généreux de son argent mais aussi de son temps et de son énergie. Anani est  un vrai rouleau compresseur, un bulldozer ! À peine émise une idée, hop ! Il a déjà dégainé son portable et obtenu le rdv avec la personne en charge du sujet, ou qui en connait une autre qui pourra nous obtenir un rdv... Et le fait qu'il soit originaire de Nagou nous est d'une aide inestimable.


Anani devant la maison familiale. Il est l'unique survivant d'une famille de onze enfants.


Mais il est l'heure de rentrer. Nous devons encore en passant aller visiter les grottes de Nok qui jouxtent le village. Juste lorsque nous allons partir, un groupe de femme se met à taper dans les mains et à chanter. C'est gai, endiablé et totalement spontané. En moins de temps qu'il ne faut pour le dire, Aline est entrainée dans une danse échevelée avec une des femmes. Je me fait happer également. Leur gaité est communicative, nous sommes pliées de rire. Le genre de danse désordonnée  qu'on pourrait tout à fait faire dans une soirée parisienne.


Éclats de rire collectif. Les blancs savent aussi danser !




 Il faut repartir. Il nous reste les grottes à aller visiter et il y a encore 2h30 de route. Nous partons donc après une visite au doyen du village. L'homme est aveugle, unijambiste car il a été amputé à cause de son diabète. Lorsqu'on lui demandera son âge, il répondra « Oh ! Y en a, y en a ! » On suppose qu'il a à peu près 80 ans ce qui est un âge très avancé pour là-bas.
Le temps a passé vite et je n'ai pas eu le temps de vous montrer la future l'école. Il y a beaucoup à dire alors nous voyons cela la prochaine fois.




vendredi 7 février 2014

Nagou, enfin !


Il nous faut deux heures et demie pour atteindre le village. Nagou est beaucoup plus éloigné de Dapaong que Tamatogou. La route fait un grand détour pour atteindre le village. Le paysage est magnifique. Grâce à l'averse d'hier, ça et là des pousses vertes sortent de terre. Les feuilles brillantes et vert-tendre nous montrent que la vie est là, tout près, prête à surgir du sol au moindre... coup de pousse ! Anani, l'un des contacts désigné par le RC Dapaong, pour nous aider nous accompagne. C'est une mine de renseignements. Anani est originaire de Nagou, il nous en raconte l'histoire et nous aide à comprendre le fonctionnement du village.

Le plateau de Nagou



Fonctionnement du village :

Vers 1800, un nommé Siknayre a fondé le village sur le plateau. il eut trois fils, Soukouk (l'aîné), Bingpeg (qui veut dire apaiser) et Yempane (le benjamin). Ces trois fils ont donné naissance à trois clans qui perdurent aujourd'hui. Anani appartient au clan Bingpeg. C'est absolument fascinant de voir comment la tradition orale a transmis cette histoire. Nous connaissons tous un petit village en France mais personne n'a aucune idée de la façon dont il a été fondé (sauf peut-être en allant fouiller dans les archives poussiéreuses du département). 


Patrick, Anani et Aline


L'autorité du village appartient à chaque clan de façon rotative, chaque clan a donc à son tour un chef de village. Quand le chef meurt, une journée entière est dédiée aux élections. Car le chef est chef du village à vie. Oui, c'est surprenant pour nous. Mais il faut bien comprendre que le temps ici ne se mesure pas de la même façon qu'en France. Il faut savoir aussi que le chef de village reçoit ses ordres administratifs du canton qui le reçoit lui-même de la préfecture. Nous avons donc une organisation administrative à la française plaquée sur une organisation villageoise traditionnelle. C'est un peu compliqué pour nous à comprendre mais grâce à Anani, nous y voyons un peu plus clair. 

Des comités actifs et motivés :

Le Togo, qui est en pleine décentralisation, a mis en place des comités villageois de développement, CVD. Ce sont eux les moteurs de développement. Ils ne font pas de politique et, à Nagou, les trois clans sont représentés en leur sein. Il y aussi un autre comité très important, sans qui rien ne se fait : le comité des femmes. Rien ne se fait sans les femmes. Tiens donc, nous voici en terrain connu !
Il existe encore d'autres comités (parents d'élèves, santé-eau, anciens, grottes, jeunes...) Ils s'entrecroisent parfois mais aujourd'hui nous avons principalement affaire au CVD et au comité des femmes. 


 Les villageois nous attendent. Ils ont sortis les tables bancs des deux salles de classes et nous sommes tous installés à l'ombre sous un gros manguier. Anani sera notre traducteur. Le français est enseigné à l'école mais 60% de la population est analphabète et n'y a donc jamais mis les pieds. Anani semble être un bon traducteur et ses paroles soulèvent l'enthousiasme des villageois. Nous voulons absolument faire passer l'idée que nous ne pouvons rien faire sans eux et que nous voulons travailler en étroite collaboration. Aujourd'hui, nous sommes là pour les écouter, faire un état des lieux, comprendre leurs besoins. Ananni  explique que c'est à eux de nous dire ce dont ils ont besoin. Il explique aussi que nous nous voulons mettre en valeur leur village, en faire un village modèle. Dis autrement, le projet ambitieux de coup de pousse n'est rien moins que de créer un économie de marché dans ce village. 
C'est un projet ambitieux mais réaliste car Nagou a beaucoup d'atouts : un CVD dynamique, un comité des femmes très actif et des sources potentielles de revenus additionnelles (en plus des marchés et de l'agriculture) qui sont les grottes de Nok qui appartiennent au village.







Le comité des femmes est en face de nous. C'est peut-être parce qu'elles sont très attentives et concentrées mais elles ont l'air très sévères. Il ne faudra pas leur en conter. Nous verrons après que je m'inquiète pour rien.









Après avoir traduit tout ce qu'il fallait, Anani nous quitte par discrétion pour nous laisser discuter avec les habitants. Aline et moi nous éloignons avec le groupe des femmes. Nous allons sous un autre arbre et l'une d'elle se propose pour traduire. À vrai dire, nous sommes un peu intimidées, elles, comme nous, comme des personnes que tout sépare mais mis en présence par une volonté mutuelle de coopérer. Mais la glace est vite rompue et bientôt, à l'aide de Djanamié, notre traductrice du jour, nous discutons et elles nous racontent leurs difficultés quotidiennes.


Aline et Djananié qui attend son deuxième enfant pour mars

 Elle nous confirment alors que nous sommes totalement passés à côté d'un problème bien réel : la malnutrition. Les femmes nous disent en effet qu'à 11h « les enfant fuient l'école »  parce qu'ils ont faim. Et nous, nous n'avions même pas pensé à cela ! La période de soudure, entre la fin de la saison sèche et celle des pluies est particulièrement dure. Didier, un des autres contacts désigné par le RC Dapaong pour nous aider, nous en a déjà parlé la veille, lors d'une réunion à notre retour de Tamatogou.  Pourquoi ne pas y avoir pensé ? La mortalité infantile est effrayante au Togo : 15% chez les moins de 5 ans, dont 50% entre 0 et I mois. On ne peut s'empêcher de penser que si les enfants étaient mieux nourris, ils résisteraient mieux à la maladie. Demain nous visitons l'unité pédiatrique de Dapaong avec Séverin, nous aurons donc plus d'infos. 


Le comité des femmes,  au centre,  le leader d'un comité primordial : le comité eau

Nous ne pourrons pas sauver le monde mais nous pouvons au moins aider à ce que les enfants de Nagou n'aient plus faim. Nous avons donc pensé à faire une cantine scolaire pour le jardin d'enfants et pour le primaire. Ce sera une motivation très forte pour venir à l'école (et leur enseigner ce qu'on y apprend d’habitude mais aussi les règles d'hygiène élémentaires). L'idée serait de faire cette cantine gratuite pour le jardin d'enfants et payante pour les primaires. Les grands finançant les petits. Et nous nous rendons compte immédiatement que ces femmes ont l'habitude de prendre les choses en main et sont organisées. A peine énoncé le concept de cantine, elles pensent déjà au côté pratique, elles feront des tours de cuisine... On les sent motivées, volontaires. Le secrétaire diocésain nous dira le lendemain qu'ici l'homme est le maître et que la femme fait tout. D'après ce que nous avons déjà vu, c'est probablement vrai !

Puis viennent les problèmes liés à l'eau ...








lundi 3 février 2014

Le Rotary Club de Dapaong - Inauguration de l'école


(Suite à une fausse manipulation, un brouillon très brouillon a été publié par erreur. Celui-ci annule et remplace donc le post précédent. Merci pour votre indulgence.)



Sous l'arbre à palabres

Le Rotary Club (RC) de Dapaong est composé, comme ailleurs, de notables, de togolais qui ont très à cœur d'investir leur temps et leur énergie pour leur pays. Notre première réunion a lieu à l'ombre de « l'arbre à palabres ». Est-ce son vrai nom ou une plaisanterie locale ? Un protocole strict est respecté lors de ces réunions. Il faut demander la parole et attendre qu'on vous la donne. Et respecter celui qui parle, pas de discussions à bâtons rompus. C'est quelques fois frustrant lorsqu'on est impulsif et passionné. Nous verrons Patrick, pendant l'une de ces réunions, proche de l'explosion car il ne pouvait pas s'exprimer lorsqu'il le voulait.

Statue à l'entrée de l'hôtel

Un point nous préoccupe. Nous avons appris presque incidemment qu'une école se construisait à Nagou. Quelle ONG a financé ? Pas de problème pour nous pour travailler avec (ensemble nous sommes plus fort) mais nous souhaitons travailler dans le même sens : donner une autonomie financière aux villageois à moyen terme. Et tout cela au sein dans un plan global concerté avec eux, et avec leur plein accord. Le RC nous confirme que l'ONG est l'OCDI/Caritas Togo, une émanation de l'église catholique du Togo. Ouf ! Nous sommes en terrain sûr. Nous rencontrerons le secrétaire de l’évêché, un homme aux yeux vifs et intelligents qui sera séduit par notre projet. L'OCDI n'a pas de fonds par elle-même mais dispose des dons qui lui sont faits. En l'espèce, une femme allemande est allée visiter les grottes de Nagou (l'une des deux attractions touristiques du nord du Togo) et, revenue chez elle, a fait ce don pour le village.





 


Danse des enfants de Tamatogou

Samedi matin, après une heure de route, nous arrivons à Tamatogou. À l'époque où Patrick intervenait au nom de Village et Avenir, dont coup de pousse est une émanation, l'association a financé deux forages et deux écoles dans la Région des Savanes. C'est à l'inauguration de l'une de ces écoles à laquelle nous nous rendons. Les villageois nous ont préparé une fête et il doit bien y avoir trois cents enfants de rassemblés qui nous attendent. Nous sommes dévisagés avec curiosité car certains ne doivent pas voir des blancs très souvent. 


Petites frimousses curieuses !


Danses et discours se succèdent. Deux sketches aussi, pour nous faire comprendre la nécessité d'une case de santé. C'est le souci maintenant de Village et Avenir qui poursuivra le chemin qu'il s'est tracé.


Discours du directeur
Le chef de village


Une des femmes nous fait beaucoup rire. Nous sommes tous en train de prendre des photos et elle se met à nous imiter à l'aide d'un vieux boîtier d'un autre âge mais qui fait son effet. Les invités se voient offrir des cadeaux. Jolie turban, Aline ! Petit incident : le cadeau prévu pour moi, par erreur, est une tunique pour homme et non une tenue pour femme. Pas de problème, nous les rassurons. Je me passerai de cadeau. Et cela me fait prendre conscience que les tenues sont très différenciées : les petites filles sont habillées en filles et jamais, mais vraiment jamais en petits garçons. Pareil pour les adultes.



Participation aux danses


 Patrick, qui, je vous le rappelle, nous a promit des chaleurs torrides, est un danseur doué de pouvoirs magiques car juste à la fin des festivités, une pluie diluvienne se met à tomber. À sa décharge, cela n'arrive jamais, mais absolument jamais, en janvier. L'averse durera quinze minutes et nous entendons alors que nous sommes « bénis des dieux » pour avoir apporté la pluie. En un clin d'œil, la cour de l'école se transforme en une grande mare. Nous avons alors un petit aperçu de ce qui se passe en saison de pluies.


La cour de l'école noyée et ses nouvelles plantations protégées par de la paille. Les tables-bancs ont été sortis pour la fête


Nous visitons les classes. Les maîtres ont des classes d'une soixantaine d'enfants, les cours sont en français et nous sommes impressionnées, Aline et moi par le programme écrit au tableau. Les écoles sont construites toujours sous le même modèle et orientées selon les vents dominants afin que l'air puissent circuler. Un bloc latrines et un jardin d'enfants ont été également construits.


Le bâtiment rond est le jardin d'enfants


C'est à l’intérieur de celui-ci que nous partageons le repas qui nous a été préparé : mil, pintade avec de la sauce, salade de chou et gâteau de soja et enfin beignets de ??? mil probablement mais cela a le goût de blé noir. Seuls les « officiels » déjeunent, soit une dizaine de personnes. Incapables de finir les énormes portions de mil, nous espérons qu'elles ne seront pas perdues.



Que faut-il lire dans ce regard ?
Le temps nous manque pour visiter le village lui-même. C'est une bonne journée qui malgré tout laisse un goût d'inachevé. La fête était très sympathique, les danses et les chants préparés avec soin et ce fut agréable de visiter les réalisations faites grâce aux dons. Mais il n'y a eu aucun véritable échange avec la population. Nous avons inspecté les travaux mais par ailleurs que pensaient les utilisateurs de tout cela ? Que voulaient-ils ? Comment voyaient-ils leur avenir ? Qu'est-ce que l'école allait changer ? Avaient-ils une cantine ? Tout le monde pouvait-il y aller ? Beaucoup de questions en suspens. Nous faisons désormais confiance à Village et Avenir qui maintenant parraine Tamatogou.
Nous comprenons mieux pourquoi Patrick a demandé au village de Nagou de ne pas préparer de fête. Impossible sinon de pouvoir travailler efficacement pendant les quelques heures où nous serons sur place.

Nous verrons cela demain !






Pour en savoir plus

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